Résumés des communications par auteur > Lesouef Marina

De l'homme défait à l'homme-déchet : la corruption dans En la orilla de Rafael Chirbes
Marina Lesouef  1@  
1 : Ecole doctorale 58 - Langues, littératures, cultures, civilisations  (ED58)  -  Site web
Université Paul Valéry - Montpellier III
Route de Mende 34100 Montpellier -  France

La critique, unanime, a acclamé En la orilla, dernier roman de l'écrivain et journaliste valencien Rafael Chirbes, comme le « roman de la crise » espagnole et le testament de toute une génération. Dans le village d'Olba, la corruption systémique y est tout à la fois économique, morale et matérielle. Le marais tout proche, lieu centripète et métaphore matricielle du roman, recueille les déchets d'une société déliquescente, incapable de (se) recycler pour survivre. Le narrateur, Esteban, échoue d'abord à devenir menuisier pour redonner vie aux meubles anciens qu'il affectionne. Le père échoue ensuite à sauver ses propres souvenirs de l'oubli. Ainsi son héritage moral tout autant que matériel, ce « patrimoine perdu » termine à la décharge municipale. Aux objets devenus obsolètes qui se déposent en couches successives au fond du marais, aux armes de la mafia locale et aux résidus de bitume du fabricant Bernal s'ajoutent les dépouilles des éternels perdants de l'Histoire : celles des maquisards, fièrement exhibées par les Guardias Civiles puis celles des chômeurs, dont Esteban lui-même. Seuls déchets organiques recyclables, les corps corrompus, redeviennent poussière, l'homme défait devient déchet, trace, débris. La structure cyclique du roman tout autant que le marais enferment chacun des personnages dans une forme de parodie génésiaque dans laquelle ne manquent ni les références au péché originel, ni les lamentations pathétiques au sujet du paradis perdu, ni les rivalités de Caïn et Abel sous les traits de Germán et Esteban. À travers le microcosme fictif d'Olba et la métaphore filée du déchet Rafael Chirbes analyse la société espagnole de ce début de XXIème siècle sans pour autant proposer d'alternative à ce grand « gaspillage ». Il appartient au lecteur de sombrer dans le pessimisme marécageux de En la orilla ou d'y relever une trace implicite d'éco-marxisme.



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