Le seigneur des porcheries est une œuvre toute entière construite sur le déchet. D'abord, bien sûr, parce qu'elle développe des idées devenues familières aux sciences sociales qui l'ont pris pour objet : l'auteur admet une proximité ontologique entre déchets et travailleurs du déchet, met en scène le rôle central du déchet dans la production et reproduction de l'ordre social, explore son statut d'objet archéologique des temps modernes. Mais aussi, parce que l'écriture y est pratiquée et mise en scène comme un travail archéologique et politique, un effort de ses héros-éboueurs eux-mêmes pour triompher des salissures morales et sociales dont ils sont devenus les objets. Par sa narratologie complexe, son vocabulaire riche et rabelaisien, ses énumérations qui semblent épuiser le répertoire des choses et des actes, Tristan Egolf nous transporte dans une univers où produire du récit et le défendre contre toutes les récupérations permet de lutter contre l'oubli, la rumeur, la calomnie. Cette présentation se propose d'étudier les schèmes littéraires qui permettent ce vaste sauvetage de restes - de la mémoire collective, du vocabulaire oral, des blagues et des cadavres dans les placards - qu'est cette oeuvre.